Week-end Look au Salagou 10-12 décembre 2004

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Week-end "Salaglook": 10-12 décembre 2004

Depuis le printemps 2004, la petite communauté transgenre (NDLR : terme générique utilisé dans la suite du texte pour désigner toutes les personnes concernées par une interrogation liée à l'identité de genre : travesti(e)s ou éonistes, transgenres, transsexuelles) s'agite dans le Midi, sous la double impulsion de Caroline et Camille, de la délégation régionale de l'ABC, et de Nadya, animatrice d'un forum internet passionné et initiatrice d'un collectif d'information-action baptisé Trans'Act. Animées d'un esprit d'inclusion, disposant d'un formidable outil de communication et d'un lieu d'accueil, nous avons décidé de mettre en commun nos énergies pour créer des ateliers-rencontres avec le double objectif de favoriser le lien social, caractéristique fondamentale de l'ABC, et d'aider nos consœurs dans leur cheminement identitaire. C'est ainsi qu'ont été mis en place des week-ends ayant pour cadre la maison d'hôtes de Camille, idéalement située au bord d'un lac égaré dans la garrigue méditerranéenne et bordé d'étonnants canyons de roche rouge.

Après deux éditions d'essai, un peu improvisées mais couronnées d'un franc succès, Caroline a exprimé le souhait d'organiser une troisième rencontre, cette fois très pratique et ayant pour thème le look, préoccupation assez marquée semble-t-il chez la plupart de nos consœurs ! Deux de ses amies toulousaines, Sophie, qui passe régulièrement et avec une étonnante maîtrise du masculin au féminin, et Kelly, transsexuelle exerçant la profession de coiffeuse à domicile, ont accepté de faire partager leur expérience. Entre-temps et fort opportunément, nous étions contactées par Virginie, conseillère en image et "relookeuse" professionnelle, qui avait entretenu quelques correspondance avec notre Présidente et dont l'adresse est référencée dans les liens du site de l'ABC. Une brève rencontre suffit à nous mettre d'accord de part et d'autre pour la prise en main de l'animation du week-end par Virginie, passionnée par son métier et fascinée par la quête de féminité que poursuivent les personnes de notre communauté (lire ses impressions dans un autre article de la même rubrique des dossiers de l'ABC).

A peine une semaine après l'annonce de la rencontre le nombre des inscriptions nous obligeait à afficher complet. Une quinzaine de participantes, auxquelles s'ajoutaient les organisatrices, animatrices et sympathisants, nous amenaient à louer en complément le gîte des voisins de Camille, un peu étonnés mais compréhensifs. Vint le grand jour, et le joyeux mélange de toutes ces personnes animées par le même bonheur du partage, de la rencontre et de l'échange. Age des participantes : de 1 mois (le petit Gabriel, amené par un jeune couple ; non, rassurez-vous, nous ne l'avons pas relooké en "Gabrielle" !!!) à 83 ans, notre doyenne Yvette.

Une partie des "congressistes", arrivée le vendredi soir, put faire connaissance autour du repas avec l'équipe d'animation, augmentée des beaux-parents de Camille (82 et 88 ans) résidant sur place et récemment informés de la particularité de leur "gendre", à vrai dire ravis de voir du monde, et quel monde, dans leur bout du monde…

A 9 h30 le samedi matin, nous prenions place dans la salle de travail du gîte pour la conférence de Virginie, qui nous exposait sa méthode pour déterminer au mieux le "style" de ses clientes :

  • le test des couleurs, qui consiste à faire défiler au-dessous du visage de l'impétrante des coupons de tissus afin de déterminer les familles de couleurs les plus appropriées pour le mettre en valeur,
  • l'étude du visage et de la morphologie,
  • le stylisme, qui référence les 11 styles différents de femme et va conditionner la manière d'être, de se vêtir, de se mouvoir…
  • le maquillage,
  • la customisation, ou l'art de tirer parti des vêtements au rebut et des petits accessoires pour redonner du "chien" au costume, ou gommer quelque imperfection morphologique…

Une journée très chargé et studieuse, émaillée par les interventions de Kelly et Sophie précisant tel ou tel point spécifique nous concernant plus directement que les femmes génétiques. Tour à tour chacune des participantes, par le jeu des échanges avec les autres et aidée par les remarques avisées de Virginie, parvenait à identifier son style parmi : classique, couture, lolita, nature, romantique, dramatique, artiste, actuel, glamour, sportswear, tendance.

Sophie exposa ensuite ses astuces pour féminiser sa silhouette. Par exemple, nous pensons évidemment toutes à l'importance de la poitrine, mais combien pensent à celle des hanches ? La panoplie de la parfaite femme d'extérieure fut ainsi passée en revue.

La journée se termina par un précieux cours de maquillage dans lequel furent abordés aussi bien les techniques de maquillage que l'importance de bien choisir des produits de qualité, ou encore les règles d'hygiène (que celles qui n'ont encore jamais lavé leurs bâtonnets de fard à paupières ou qui ont dans leur trousse de maquillage du mascara datant de plusieurs années aillent immédiatement au piquet!)

Le soir fut propice à faire plus ample connaissance entre nous, puisque bien évidemment nous étions suspendues aux lèvres des intervenantes pendant la journée. Le moment des repas était donc précieux, c'était l'occasion de pouvoir partager intensément le bonheur d'être là. Certaines vivaient ce week-end là leur première sortie publique, beaucoup n'ont que trop peu l'occasion de vivre socialement en tant que femmes, toutes étaient heureuses de passer du temps ensemble. De plus, la succulente cuisine de la maîtresse de maison, qui a passé ses journées aux fourneaux pour pouvoir nourrir la vingtaine de coquettes, a largement contribué à rendre ces moments définitivement paradisiaques.

Un récital de chansons de Brassens et Brel au coin du feu vint clore cette première journée, ainsi que deux chansons enregistrées que Camille nous fit la surprise de passer. L'une, écrite en son honneur par un ami à qui Camille a révélé il y a quelques mois sa véritable identité, l'autre écrite par Nicole, sa compagne, sur l'une d'entre nous. Ces deux chansons furent particulièrement bouleversantes par la justesse des mots et les intentions qui ont porté leurs auteurs.

Nous rejoignîmes alors toutes nos chambres en prenant soin de bien nettoyer nos houppettes, éponges, et autres pinceaux pour ne pas nous faire taper sur les doigts par Virginie le lendemain matin !

La journée de dimanche s'organisa différemment. Après la théorie, place à la pratique. Nous fîmes deux groupes d'une huitaine de personnes. Quand le premier groupe allait appliquer les conseils de la veille de Virginie sur le maquillage, le second groupe écoutait les conseils de Kelly, notre coiffeuse. Evidemment, pour pouvoir nous maquiller, il fallait être préalablement démaquillées. La plupart d'entre nous étions donc non-maquillées au petit déjeuner. Cette pensée glacera le sang de certaines d'entre vous. Pire, certaines ont également accepté de quitter leur chevelure artificielle lors de l'atelier coiffure. Terrible dites-vous? Eh bien pas du tout! Il y avait lors de ce week-end une véritable acceptation de chacune d'entre nous. Personne n'aurait imaginé un seul instant se moquer de telle ou telle. Nous étions toutes dans un esprit unifié, solidaire, respectueux. Bien sûr, chacune d'entre nous avait sa propre histoire, son propre vécu. Chacune vivait sa féminité au quotidien de manière différente. Certaines avaient une vie sociale de femmes, ne vivant plus qu'en tant que telles, d'autres ne voulaient -ou ne pouvaient- vivre ceci que de manière épisodique. Mais au delà de ces différences, il y avait avant tout le partage de notre désir unanime de féminité, loin des clichés de travesties et transsexuelles s'entre-déchirant.

Dans l'atelier maquillage, Virginie expliquait plus en détail les leçons de maquillage qu'elle avait abordé la veille en appliquant ce qu'elle disait sur une "cobaye" (à savoir Caroline, puis Camille, qui firent de parfaits mannequins, exception faite que lorsque l'on bat des paupières 12 fois par seconde, ça ne facilite pas vraiment la tâche de la pauvre poseuse d'eyeliner, n'est-ce pas Camille?…). Les participantes appliquaient ensuite sur elles ce qu'elles venaient de voir. Sophie passait dans les rangs pour s'assurer de la bonne compréhension et, au besoin, donnait quelques conseils personnalisés.

L'atelier coiffure, animé par Kelly, notre coiffeuse, permit à beaucoup d'entre nous de découvrir des choses surprenantes… En effet, s'il y a profusion de sites traitant de maquillage, les sites de conseils en coiffures sont beaucoup plus rares surtout nous concernant. L'avis d'une professionnelle en ce domaine fut donc particulièrement précieux. Kelly nous examina toutes en nous donnant chaque fois des conseils personnalisés, en fonction de la manière dont nous vivions notre féminité et du style de coiffure que nous désirions. Que ce soit sur nos véritables cheveux pour les chanceuses qui peuvent se permettre de vivre avec, ou avec nos perruques pour les autres. Il fut frappant de constater que nombre d'entre nous nous coiffions de manière à cacher le visage en ramenant des mèches, par exemple, alors que très souvent les cheveux tirés en arrière féminisaient bien plus le visage. De manière générale, beaucoup n'avaient pas même imaginé se coiffer comme Kelly nous le suggérait, car nous avions alors l'impression d'être moins crédibles en femmes. Pourtant, chaque fois, les autres participantes qui assistaient aux suggestions de coiffure trouvaient elles aussi que la personne était bien plus belle avec la coiffure suggérée. Comme quoi il faut vraiment ne pas se contenter de notre propre avis sur l'apparence…

La preuve de la pertinence des conseils de Kelly et de son talent est que plusieurs participantes abandonnèrent tout simplement leur perruque, découvrant avec un bonheur non dissimulé qu'elles pouvaient très bien sortir avec leur vrais cheveux, malgré leurs à priori, avec une coiffure adaptée. Enfin, Kelly alla même jusqu'à couper les cheveux à celles qui le désiraient. Là encore, la transformation fut parfois renversante!

Lorsque chacun des groupes finit son atelier, ceux-ci alternèrent. Puis vint le repas de midi (ou plutôt de 14h, les ateliers ayant été particulièrement prenants). Dernier repas ensemble, échanges d'adresses, photos de groupes, embrassades, puis départ le cœur lourd… Retourner à sa réalité quotidienne fut parfois difficile après une telle parenthèse où le bonheur d'être femme et considérée comme telle n'est plus un rêve. Mais que de joie d'avoir vécu ce week-end côte à côte. Et qui sait, peut-être que ce week-end aura permis à certaines de toucher du doigt ce que pourrait être le bonheur. En tout cas, c'est sûr, nous souhaitons à chacune d'entre vous de vivre de tels moments!

Sophinette, participante, et Camille Responsable ABC " Languedoc Roussillon "